SOLDAT INCONNUEt le froid tombe sur son cœur
Comme un couperet guillotine,
Il reconnaît les doigts menteurs
Du dernier soir qui l’assassine.
Il entend, tout près, le canon
Et la mitraille qui repart,
La guerr’ ne sait pas le pardon,
Et voici l’heure du départ.
La terre s’ouvre pour son corps,
Le soleil pleure sous les balles
Et, dans l’écho du vent du nord,
S’y engourdit la neige sale.
Qui se souviendra de son nom
Lorsque la paix mêle les traces ?
S’appelait-il Henri, Léon,
Ce soldat qui meurt et trépasse ?
Etait-il blanc ? Etait-il noir ?
Etait-il beau ? Etait-il laid ?
Dans les méandres de l’Histoire,
Qui le saura aux jours de paix ?
Pardonnez-moi si je blasphème :
Qu'allait-il faire dans la boue ?
La mort, lui jetant l'anathème,
A décimé ses rendez-vous.
Ô, vous les fous de la gâchette,
Vous qui bafouez l'innocent,
Du commandant à l'estafette,
Pour des idées, passez devant !
Que plus jamais, sur cette terre,
Des enfants meurent sous les bombes,
Que plus jamais aucune mère
Ne pleure une âme sur sa tombe.
Enterré sous l’arche de pierre
Du monument qui le reçut,
Sa flamme danse singulière :
Honneur au soldat inconnu !