Un souffle de poésie
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 Alexandre Pouchkine

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Veritseger
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MessageSujet: Alexandre Pouchkine   Alexandre Pouchkine Icon_minitimeSam 24 Jan - 13:48

Mon portrait

Vous me demandez mon portrait,
Mais peint d'après nature :
Mon cher, il sera bientôt fait
Quoiqu'en miniature.

Je suis un jeune polisson
Encore dans les classes ;
Point sot, je le dis sans façon
Et sans fades grimaces.

Oui, il ne fut babillard,
Ni docteur en Sorbonne,
Plus ennuyeux et plus braillard
Que moi-même en personne.

Ma taille à celle des plus longs
Las ! n'est point égalée ;
J'ai le teint frais, les cheveux blonds
Et la tête bouclée.

J'aime et le monde et son fracas,
Je hais la solitude ;
J'abhorre et noises et débats
Et tant soit peu l'étude.

Spectacles, bals me plaisent fort,
Et d'après ma pensée
Je dirais ce que j'aime encore
Si je n'étais au Lycée.

Après cela, mon cher ami,
L'on peut me reconnaître ;
Oui, tel que le bon Dieu me fit,
Je veux toujours paraître.

Vrai démon pour l'espièglerie,
Vrai singe pour la mine,
Beaucoup et trop d'étourderie,
Ma foi, voilà Pouchkine.

(écrit en français, 1814)
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MessageSujet: Re: Alexandre Pouchkine   Alexandre Pouchkine Icon_minitimeVen 25 Nov - 14:24

ROUTE D'HIVER

La lune traverse au milieu des ténèbres,
Fantôme accompagnant la nuit,
Répandant sur les mélancoliques clairières
Une lumière glacée.

Elle galope la troïka, avec son monotone
Grelot de traîneau, au son métallique
Je suis épuisé devant cette neige lugubre,
Affamé, gelé jusqu'à l'os.

Cocher tout de simple vêtu,
Chantant tout en claquant le fouet;
Une fois quelques bribes d'une triste passion,
Une autre fois une chanson à boire.

Pas une lumière ne brille, pas une seule
Sombre cabane isolée... Neige et silence...
Seules filent le long de la troïka
Les bornes du chemin, nues et bigarrées.

Lugubre, monotone.. Mais rentrant
A la maison! Et demain, à côté
Des agréables étincelles de la flambée
De bûches de sapin, je te regarderai:

Rêve, et laisse planer ton regard, Nina,
Pour tout un tour de l'horloge;
Minuit ne viendra pas entre nous,
Quand nous aurons doucement tourné le verrou

A nos visiteurs... Assoupi peut-être,
Il s'efface, le cocher, le chant se perd;
Monotone, répétitif, tinte le grelot;
Nina, les nuages effacent la lune.
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MessageSujet: Re: Alexandre Pouchkine   Alexandre Pouchkine Icon_minitimeSam 22 Juin - 16:33

L’OPRITCHNIK

(Titre des compagnons, des « mameloucks » d’Ivan le Terrible.)
 
 
Quelle nuit ! Une gelée craquante : pas un nuage ! La voûte bleue du ciel, comme une couverture brodée, est pailletée d’étoiles. Partout le silence dans les maisons ; des verrous avec de lourds cadenas barrant les portes, le peuple repose. Les tumultes du trafic se sont calmés et les chiens de garde, dans les cours, aboient en faisant sonner leur chaîne retentissante.
Moscou, d’un bout à l’autre, dort avec tranquillité, oublieux des angoisses de la terreur ; et la place publique est là, qui, dans le vague des ténèbres, regorge des supplices d’hier. Partout on voit les restes des tourments : ici, un cadavre fendu en deux d’un seul coup ; là, un poteau, là des fourches, là des chaudrons à moitié pleins de poix figée ; ailleurs, un billot renversé, plus loin des crocs de fer se dressent, des tas de cendres fument encore, mêlées d’ossements ; des hommes, que traversent des pals, noircissent tout rigides et ratatinés.
Qui est là ? À qui ce cheval traversant d’un galop furieux la place terrible ? Qui siffle, qui parle haut dans la nuit sombre ? Quel est cet homme ? Un vaillant opritchnik. Il se hâte, il se précipite à un rendez-vous d’amour. Le désir fait bouillonner ses veines ; il dit : « Mon brave, mon fidèle cheval, vole comme une flèche, vite, plus vite encore ! » Mais l’ardent animal, en faisant bondir sa crinière tressée, tout à coup s’arrête : devant lui, entre deux poteaux, sur une traverse de chêne, se balance un cadavre. Le cavalier veut passer dessous   ... Mais le cheval se cabre sous le fouet, s’ébroue, renâcle et se rejette en arrière. « Où vas-tu, mon vaillant cheval ? que crains-tu ? qu’as-tu donc ? N’ai-je pas hier ici galopé avec toi, n’avons-nous pas foulé aux pieds, pleins tous les deux d’un zèle vengeur, les méchants traîtres au Czar ? N’est-ce pas leur sang qui a lavé tes sabots de fer ? Tu ne les reconnais donc plus à présent ? Mon bon cheval, mon brave cheval, allons ! pars ! en avant ! » — Et le cheval, frémissant, passe comme un tourbillon sous les pieds du cadavre.

Texte établi par la Bibliothèque russe et slave ; déposé sur le site de la Bibliothèque le 15 juin 2011.
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MessageSujet: Re: Alexandre Pouchkine   Alexandre Pouchkine Icon_minitimeSam 22 Juin - 16:39

Le Démon

Dans les jours où étaient nouvelles pour moi
Toutes les impressions de l'Être —
Et les regards des jeunes filles,
Et le bruissement des forêts,
Et le chant du rossignol la nuit, —
Où les hauts sentiments,
La liberté, la gloire et l'amour,
Et l'inspiration des arts
Troublaient mon sang si fort,
Un mauvais esprit vint me trouver en secret,
Ombrageant d'une mélancolie soudaine
Les heures d'espoirs et de plaisirs.
Ces rencontres étaient tristes :
Son sourire mystérieux,
Ses paroles cyniques,
Versaient un poison glacé dans mon âme.
Par ses mensonges perpétuels
Il bravait le destin ;
Il appelait illusion le Beau ;
Il méprisait l'inspiration ;
Il ne croyait ni en l'amour ni en la liberté —
Il regardait la vie en se moquant
Et rien dans la Nature ne trouvait grâce à ses yeux.


1823
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