Poèmes

Je me sens comme une lointaine, très lointaine présence...
Un visage oublié, évaporé dans la multitude
Je me sens impuissant face au monde
Je suis simple et face à la complexité
s'étend mon pauvre corps.

Au delà des géants figés, s’étendent les landes mornes et ternies des pays belliqueux. Ces restes que tu contemple avidement, dans les positions meurtrières du combat, ont étés maudits par les Hommes depuis l’aube du monde où tu respires. Ils sont les généraux de la mort, et frappent en son nom du sceau de la guerre les frontières inutiles, que tu vois à l’horizon, gardées par les pantins du roi. Les Hommes ont maudit la guerre, qui dans son insolence leur enlevait leurs enfants. Par ici rien ne perdure, et seul le cours immuable du temps reste, balayant les contrées stériles de son souffle destructeur, effaçant pour le bien de tous les traces des batailles. Demain encore, la guerre frappera les villages, et dans une semaine, tout sera oublié. Alors, un père s’adressera à son fils, et prononcera les mêmes mots que tu entends aujourd’hui.

Contre le vent, au travers du ciel
une flèche enflammée
perce les nuages
et dans son trait de feu
illumine
le palais éteint.


Dans ma propre ombre
S’ aspire le temps
Moi l’accompagnant
Sous les ponts effondrés.

Rafoufou a écrit:

ce dernier plaisir m'achève...donc il me rend entier

Certes. Cependant, quelque chose qui est terminé est mort. Un cycliste qui n'avance pas tombe. Ce qui est fini n'évolue pas. La complétude, c'est le summum de l'entropie.
L'homme complet n'a plus rien à vivre. Il n'a plus qu'à se coucher par terre et à invoquer la mort.

Finalement, ces deux sens ne sont pas tellement éloignés l'un de l'autre, en somme.

Lueurs
rais de lumière
éclairent mon esprit
à travers les vitraux
colorés
les rayons se déforment
par la pluie et le vent
le fond de mon esprit
reste dans l'ombre.

Dans ma hâte de te répondre, je t’ai blessée. Dans ma hâte de réparer les torts, je t’ai achevée. Dans ma hâte de me faire pardonner, je t’ai tuée. Ainsi vont les gens, corrupteurs de mots.

En pleine attente
Résonance
Impact sur moi
Mon corps se mue en air
A la vitesse du son
Je suis en pleine attente
Peut-être que c’est idiot
Que mon cœur lâchera avant
Que le vent me rendra fou
Je suis en pleine attente
De voix, de noms
D’une poignée de seconde
D’attente
L’attente
Me fait respirer pour de bon
Je ne m’y perdrais jamais

noyé dans la mer étoilée d'une ville précoce, matinée d'ocre sanglant
les rues sont penchées, elles s'insultent violemment
l'homme du fond à une fenêtre au front
où l'on voit défiler ses fantasmes
son voisin perd des cheveux par paquet
il vieillit à vue d'oeil
tous vident le bar de ses réserves de sérum
au dehors les pavés d'éponge se prolongent
vers la place des regrets et son beau clocher
là où l'air se densifie
car les cloches marquent chaque seconde
ils vivent au ralenti, profitent du temps
sous la lune bonimenteuse
maquillés de justice

Odea

On te reproche de cueillir
La fleur demain fanée
Un pas de plus comme un pont
Jeté en l’air pur
Part juste un peu plus loin

Ils n’ont ni ride ni sourcil
Pas de cernes qui se tordent
Ils maintiennent fermées les portes
d’Odea, pour continuer d’y croire.

Laisse-toi tenter
La chair est sourde de douleur
Pétrie de désir
Plonge tes mains dans mon torse
Fond-moi
Pas besoin de bras
Tu peux les dévorer
Je coule à flot pour t’étancher
Versé de chaleur humaine
Tu m’évapores
Les muscles s’usent sous ta langue
Tu es la bête
Mon visage, mes mains
Tout s’englouti, tu vois
Comme dans un songe
Ma peau s’en va
Mange-moi à la folie
Au delà de toute satiété
Rien que ta faim s’immense

Bruine sanglante
Eparpillement
Mes os finissent aussi par fondre
Attisés à toi
Rien de plus que mon cœur
Ne reste, palpitant
Délié de mes restes, seul
Tu t’indigestes, repue et libre
La clé d’Odea est sous tes yeux
Moi j’y suis déjà, palpitant

Ils n’ont pas d’ombre
Ni de colère, ou de pensées
Peuple d’oubli volontaire
Viens me rejoindre, je sais
Qu’on y est pas de trop
La lumière est partout
Pas de place au noir
Ni à la dévoration
Je ne sais pas si tu me suis
Tes pas s’éloignent, fille-oiseau
Gobant le dernier
Quartier de cœur
Sur le palier d’Odea

Lueur des corps
Rendez-moi mon ombre
Je ne pas survivre
Sans mon ombre
Il faut de la place pour les ténèbres
Des cachettes inexistantes
Je comprends que tu ne sois pas venue
Tu voulais juste voir Odea
Les racines et les chandelles
Selon ton souhait
Tu plane vers le retour
Sanguinaire et savante
J’y suis pour l’éternité
Mon cœur, ma clé, s’est digérée
Je suis le seul à croire, ici
À Odea. Palpitant.

un petit mot , Rafoufou, pour te dire que j'ai parrécié tes poèmes. Ils sont tendus, habités; ce n'est pas de la poésie complaisante, pour " ronfler ", mais elle est concernée. Bravo!

ça c'est très sympa Isidore, j'ai aussi apprécié tes écrits -quoiqu'un peu concis selon moi...mais c'est un style ! Bonne continuation !

C’est loin, tu vois
Consume-toi, flamme
Il n’y a qu’une seule voie
Des chœurs de méduses volantes
Sous le regard des demi-animaux
Figés en terre, confiants et calmes
Leurs pattes immobiles, en dernier salut
Adieux à la vie profane
Extasiés
Ce que tu touches
Ne devient pas poussière
Au contraire
Ça te coupe et luit ta peau
Juste sentence
On se blesse une fois
On n’arrête plus de saigner
Ça continue tu crois ?
Comme nous sommes loin
Sous les toiles tremblantes
Entre les branches
Sur le ciel
Dans la grêle
En retombés acides
Qui se résonnent
éperdument.

Pluie de feu et jargon d'écume
des foules se perdent, l'orage passe
la vie s'évade de cette cage
ne laisse que la peau sur les os
une tête morte rigolante
sous un petit chapeau rose
le corps scellé d'une couverture
tout a brulé, rien ne reste
une longue démarche et cet œil
qui me fixe tristement
la main sort une cigarette
fine et blanche les doigts agiles
pâle visage creux et chamboulé
son âge s'est gommé un jour
en même temps que son visage
ses larmes se sont asséchées
tout à coup sans le vouloir
quelqu'un pense à lui maintenant
se débarrasse de ses mots
en douce prière qui plane
au dessus des gens qui passent
sous un petit chapeau rose.


Note : c'est une petite dédicace à quelqu'un que je ne connais pas mais qui existe réellement, une personne au visage brulé, accidenté, et que j'ai vu plusieurs fois se promener avec un chapeau rose.

Ils reviennent, embaumés de lumière rouge
flotillants entre les troubles,
l'astre frissonne de ses feux
ils pleurent trop tôt ou trop tard
et rient quand il ne faut pas
ce ne sont que des gosses
bringueballés aux lanternes fades
qui apprennent à se taire.
On met en terre les insectes
on éteint les étoiles.
Elle aussi brillait dans le noir.

Arrête de respirer asphyxie à portée de main la crosse de verre se consume volutes passagers vous êtes déjà ailleurs rien d'autres que moi n'hante cette pièce jaune de peur expire vide toi renverse sur le tapis le reste de mort en bouteille à portée de main boire encore toujours me taire taire l'esprit furieux qui ne perd rien d'autre que sa peur paralysante je ne bouge pas rien d'autre que ma main qui déambule comme un fantôme et hante cette pièce à ma recherche ne rencontre que la crosse de verre tranchant mon seul problème décourageant la moitié tourne vers moi l'autre moitié je l'ai perdue dans un accident une histoire de fou comme ce gout amer de respiration arrête de respirer ça te fait copier le reste du monde en bouteille garde les vapeurs n'obscurcis pas cette pièce jaune tire tire les rideaux ou le reste tire-toi au lieu d'être cloué enfoncé vers le plafond trop haut pour la fumée qui est déjà ailleurs mais prend toute l'espace plus de place pour moi et ma respiration.

Des arbres tombent en panne
des hommes de papier se lancent dans la vie
le long de l'aube
dans les champs d'hystéries
mouvent le violet pur et
l'hostilité, le silence s'assoit
une idole de ronces se fend
tandis que s'ouvre le paon

L'écorce

des lignées d'ignorance
murissent en avançant
déportés vers le large
et marquent leurs vers
au plus profond de l'écorce
pour le passage après
et s'ouvrent leurs yeux

Je vois une mer sur mon ongle
mon doigt est une île
elle étoile
il nuage
ils se dérobent et se brouillent
comme une dernière dispute

Les Mains

Regarde comme mes mains
sont dures et asséchées
il faudra les fondre au feu
à nouveau
et les retravailler

Nous avons le dos tourné
Sur la même page, à l’opposé.
Des silhouettes noires d'encre.
J’écris en vain, je cherche.
Toi en face, enfermée aussi dans le livre
Je te devine à travers le papier.
Une petite silhouette, cernée de monstres.
Un petit monstre aux yeux cernés.
Cernés de rêves.
Nous deux on est des mots.

On vient se réchauffer
à l'écart d'une flamme valable.
A nous deux le combat
est inégal. Faisons le naitre !
Si on ose, que se passe t-il ?
ça coupe le rythme.
Une conscience de couleurs
ne flanche pas. Pas aussi vite...
C'est quoi alors ? ça grimpe en silence
envahit les pièces et perce les murs
des actes mi-morts.
Faudra t-il lui donner un nom
pour la vaincre ?
Ce n'est rien d'autre que
de la matière de question.
Du mystère.